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Les femmes politiques: un oxymore encore aujourd'hui en France?

Dernière mise à jour : 23 janv. 2022

Par Alice Rousseau


Déplorable, consternant, révoltant... que dire d’autre lorsque l’on s’aperçoit que la parité femmes- hommes en politique est loin d’être gagnée en France. Pendant longtemps, la France a été marquée par un certain conservatisme au regard des autres états occidentaux. Ce fait a généré un retard en matière d’égalité entre les sexes. Toutefois, quelle surprise de m’apercevoir pendant mes recherches que le fossé était si profond ! De nombreux partis politiques, hauts fonctionnaires et même des parlementaires se sont opposés pendant des décennies à l’établissement d’un tel projet dont la cause est pourtant juste et proportionnée.


En tant que citoyenne, cette résistance à voir entrer des femmes en politique ou dans la haute administration me semble insultant. En effet, nous accordons notre confiance aux représentant.e.s du peuple par le biais du vote. Or, se rendre compte que les femmes ne sont pas les bienvenues sur les bancs des hémicycles ou dans les ministères fait transparaître un profond mépris envers les femmes. En tant que femme, on ne peut que se sentir indignée et doublement trahie. Trahie d’une part, parce qu’en tant que citoyenne, on leur accorde notre soutien lors des élections et qu’ils nous le rendent mal. D’autre part, on se sent trahie par le reflet que dégagent ces représentants du peuple comme image et valeurs.


Si en 2020, on dénote en France une nette amélioration de la place des femmes en politique et ce depuis quelques années, il reste encore du chemin à parcourir pour parvenir à une représentation féminine égale à celle des hommes. On peut oser dire une « nette » amélioration car la France revient de loin. Elle n’a jamais compté parmi les pays précurseurs de l’égalité femmes-hommes, néanmoins les temps changent, les mentalités évoluent et les générations se succèdent. Par conséquent, il est difficile parfois d’imaginer qu’il faille encore se battre pour qu’une femme soit présente en politique et à tous les échelons. Encore une fois, nous revenons de loin. Ce n’est une surprise pour personne de rappeler que la sphère politique a presque toujours été exclusivement composée que d’hommes jusqu’au XXe siècle.

Dans l’Antiquité grecque et romaine, les femmes ne pouvaient pas occuper de fonctions publiques ou encore servir l’armée. Cependant, leur rôle a souvent été déterminant dans la politique mais l’Histoire a pris soin de taire leurs actions. Si à l’époque suivante, c’est-à-dire au Moyen-Âge, la femmes du seigneur se voyait octroyer la responsabilité du domaine seigneurial et des affaires pendant que son époux partait guerroyer, cette coutume a été balayée d’un revers de main par l’Ancien Régime. Cette période de l’histoire n’est guère favorable aux femmes de pouvoir. On compte notamment l’instauration de la loi salique, règle selon laquelle les femmes ne peuvent prétendre à la succession du trône. C’est une tradition française qui n’est pas partagée dans de nombreux pays. Par exemple, l’Angleterre a reconnu dès le Moyen-Âge le droit à la succession au trône pour les femmes. Puis, paradoxalement, c’est à la Révolution française, et pendant tout le XIXe siècle, que l’on a renforcé l’inaccessibilité du pouvoir aux femmes. Olympe de Gouges, célèbre pionnière du féminisme français et notamment autrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne écrite en 1791, précise dans son article 10 que si « la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». Autrement dit, si une femme peut mourir pour ses idées politiques, elle possède alors le droit légitime de contribuer à la vie politique et de faire entendre sa voix ! Bien entendu, un tel discours n’a pas été très apprécié par les révolutionnaires qui décident que la faire guillotiner deux ans plus tard, en 1793. Entre la publication de cette déclaration et la mort de son autrice, le procureur la Commune de Paris et grand opposant à l’égalité des sexes, Pierre-Gaspard Chaumette, explique que les femmes ne peuvent avoir accès au monde politique car celui-ci est « interdit à tout individu qui outrage la nature » en France.


En somme, cela fait longtemps que la société a interdit à la femme de pouvoir occuper un rôle en politique. Au-delà de ça, cela fait tout aussi longtemps qu’on la persuade d’être illégitime pour prétendre à ce type de fonctions. Les sociétés passées ont construit une hiérarchie des êtres où la femme était inférieure à l’homme. Depuis, quelques décennies déjà, la société française travaille à déconstruire ce schéma social en tentant de mettre fin à ces idées archaïques et dépassées sur les liens entre femme et pouvoir. Malgré cet effort, il est difficile comme on va le voir d’enrayer tous les stéréotypes et l’inconscient collectif de notre héritage culturel. L’objectif de reconstruire une doxa nouvelle, à la fois plus égalitaire et plus juste, n’est pas encore atteint mais d’année en année la société évolue.

Si les chiffres ne révèlent pas toute l’envergure d’un problème, ceux-ci restent parfois très révélateurs. On peut justement le voir avec la situation des femmes en politique. En 1993 – soit avant les mesures de discrimination positive –, seules 6 % de femmes siégeaient à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire, aussi peu qu’en 1946. Si ce chiffre a pu légèrement varié entre ces deux dates, il n’en rese pas moins que ce chiffre est alarmant ! Grâce à l’impulsion des mouvements féministes internationaux dans les années 1970 et 1980, un réveil des consciences s’opère sur la scène internationale. Les Nations Unies et les institutions européennes vont alors mettre un point d’honneur à défendre la nécessité d’introduire des femmes en politique. Ces institutions internationales préconisent une politique anti-discriminatoire pour arriver à la parité. La France, assez conservatrice, a mis du temps à partager ces mêmes ambitions. À l’aube des réformes positives, la France est extrêmement en retard en comparaison avec ses voisins européens en matière de représentation féminine à la fois aux fonctions électives, au sein des institutions mais aussi dans les partis politiques. L’Hexagone est alors classé à l’avant dernière place des états européens, juste avant la Grèce, dans le domaine de la parité femmes-hommes. Il ne faut pas croire toutefois que les responsables politiques français n’avaient pas conscience de cette réalité. Pour la plupart d’entre eux, il était plus facile de garder les yeux fermés.

En réaction à ce comportement, l’investissement d’associations féministes et de femmes politiques dénonçant et luttant contre le manque de femmes dans le domaine politique s’intensifie à partir des années 1970. Ces dernières peinent à faire entrer ce débat sur la place publique. C’est véritablement grâce à la pression internationale et l’action de la presse, qu’un réel changement va alors s’opérer. Devenant finalement un sujet de société à la fin des années 1990, les politiques n’eurent pas d’autre choix que de s’emparer du sujet. Il apparaît alors clairement que si, en droit l’égalité entre les hommes et les femmes existait dans le domaine politique, elle n’était pas effective dans les faits !


Quelle mesure a été envisagée pour établir une parité femmes-hommes en politique ?

La solution privilégiée est la discrimination positive. De quoi s’agit-il vraiment ? Aussi appelée l’action positive, cette méthode correspond à la mise en place temporaire d’un traitement préférentiel pour un groupe de personnes qui subit une discrimination. L’objectif est donc de lutter contre une discrimination et c’est pour cette raison que l’on accepte de générer une inégalité temporaire dans le traitement des personnes. Si elle est trouvée injuste par certains, il faut comprendre que ces mesures de discrimination positive sont instaurées en général lorsque persiste une différence – et ce depuis longtemps – entre l’égalité en droit et l’inégalité de fait. Autrement dit, les initiatives juridiques prises dans le passé sont insuffisantes pour parvenir à un changement de la situation d’inégalité, alors pour pallier à ce problème, on a recourt à la discrimination positive. Ces mesures qui sont bien temporaires – et c’est essentiel – n’ont pas vocation à perdurer éternellement ! Elles sont mises en place uniquement le temps d’une prise de conscience. En matière de parité femmes-hommes, ce temps correspond au temps laissé aux femmes afin qu’elles fassent leurs preuves. De cette manière uniquement, elles peuvent montrer tant aux hommes qu’aux autres femmes qu’elles ont autant de qualités que leurs homologues masculins pour embrasser une carrière politique.


Pourquoi la discrimination positive est-elle une mesure appropriée et nécessaire pour que la parité hommes-femmes soit effective en politique ?

Certains se plaignent de l’action positive. Pour affiner cette analyse de la discrimination positive, il m’a semblé pertinent d’avoir tout type d’avis, en particulier les points de vue opposés. Aussi, après avoir questionné un jeune étudiant en droit, se destinant par ailleurs à entamer une carrière politique, je lui ai demandé ce qu’il pensait de la discrimination positive. Fervent opposant à cette pratique, il y a répondu et m’a permise de m’appuyer sur ses remarques pour fonder ma propre opinion, et tenter d’être la plus juste possible ! Tout d’abord, certes la « discrimination est positive pour certains et négative » pour d’autres. Fort de l’argument de la méritocratie, ce système permettrait alors « à des femmes nulles d’arriver à des postes qu’elles ne méritent pas ». Sur un ton un peu provocateur, je répondrais d’abord que pendant des siècles, les hommes n’ont jamais eu beaucoup de remords à empêcher les femmes d’accéder à ses métiers. Toutefois, il ne sert à rien de culpabiliser les hommes autant qu’il ne sert à rien de culpabiliser les femmes. D’autant plus que les hommes ne sont pas et ne doivent pas être tenus comme responsables des décisions ou erreurs de leurs aînés et de leurs ancêtres ! Cela n’amène rien de constructif. De plus, rappelons que la parité femmes-hommes ne veut pas dire une sur-représentation de femmes mais bien un équilibre entre les deux sexes. Ainsi, deux partis politiques se sont vus recevoir des pénalités pour avoir présenté trop de femmes aux élections législatives en 2012. La loi prévoit qu’il ne faut pas dépasser 51 % de candidates femmes.


De plus, si les hommes se plaignent de cette discrimination positive parce qu’elle prend leur place plus légitime, les femmes ne diront pas non plus que c’est la solution idéale ! Mais y en a-t-il d’autres ? Y a-t-il de meilleures solutions qui puissent agir sur un court ou moyen terme ? Malheureusement, il n’y a pas vraiment. D’ailleurs, certains chercheurs ont fait un calcul intéressant : si on laissait l’évolution naturelle se charger de faire progresser la situation, la parité ne serait atteinte qu’en 2350 ! Surprenant, n’est-ce pas ? Cette étude s’est fixée sur le résultat des législatives de 1993, soit juste avant les réformes.

Par ailleurs, accuser les femmes qui bénéficient de l’action positive d’être considérablement favorisées par rapport aux hommes ne correspond pas à la réalité. La discrimination positive ne rime pas avec simplicité. D’une part, une difficulté réside dans leur propre estime. En effet, beaucoup de celles qui font l’objet de cette discrimination positive culpabilisent car elles ne savent pas si elles ont été recrutées pour leurs compétences ou en fonction de leur sexe. D’autre part, leur autorité et leur légitimité passent aussi à la trappe. Par conséquent, la discrimination positive n’est pas une solution parfaite, c’est comme le dit Churchill vis-à-vis de la démocratie « le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres ». Ce qu’il faut bien comprendre c’est que la situation n’est évidente pour personne, ni pour les femmes ni pour les hommes. Cette situation demande des efforts à chacun. Et cela ne devrait surprendre personne. Défendre un droit, qu’il s’agisse du droit de la femme à entrer en politique ou de tout autre droit comme le droit de vote, il faut se battre et cela demande des sacrifices. Et ces sacrifices sont justifiés, alors encore une fois, arrêtons de culpabiliser la gente féminine !


Rappelons aussi que si cette situation imparfaite demeure encore aujourd’hui, c’est parce qu’il existe encore bon nombre de préjugés à l’égard des femmes instaurés par le patriarcat. Par ailleurs, les hommes politiques sur le terrain ont souvent maintenus leurs portes closes aux femmes. On ne peut pas renvoyer la faute aux hommes. C’est la faute de la société en général. Par conséquent, c’est bien à la société toute entière de lutter contre les inégalités faites aux femmes en politique.


N’oublions pas que cette situation est non permanente. Elle a pour vocation d’être temporaire. Aussi, elle est destinée à s’arrêter une fois la parité obtenue et les mentalités évoluées ! Il faut permettre aux femmes de montrer à la société qu’elles sont aussi compétentes que les hommes, et ce dans tous les domaines. Démontrer ses talents, la gente féminine le fait autant pour les hommes que pour les femmes. En effet, pour inciter et encourager les jeunes filles à se diriger vers tout type de métier – même vers ceux qualifiés de « métiers d’hommes » – il est essentiel d’avoir des modèles féminins. Les figures de proue viennent enrayer un système assez courant d’auto-limitation.


Soutenir ces réformes d’action positive est donc bénéfique. Les citoyens doivent avoir confiance dans les femmes parce qu’elles sont autant légitimes que les hommes, qu’elles ont autant de force et de détermination ou encore de persévérance qu’eux pour mener à bien des projets politiques. Réaffirmons la tête haute que la force nécessaire en politique ne dépend pas de ce qui se trouve dans l’entrejambe mais bien de ce que la tête renferme. Aussi, n’ayons pas peur d’encourager les femmes car, malheureusement, encore aujourd'hui beaucoup de femmes estiment ne pas mériter de telles responsabilités comme le dévoilent plusieurs sondages.


Les féministes ont abordé divers arguments pour légitimer leur cause. Certaines ont avancé que représentant la moitié de la population, et donc des électeurs, elles sont parfois plus légitimes pour faire des lois dans certains domaines que les hommes. Personnellement, je ne partage pas cette question d’aptitude mais elle est pertinente à relever. À mon sens, il ne faut pas opérer de distinction de cet ordre car cela viendrait renforcer les différences entre les hommes et les femmes, ce qui aurait donc pour conséquence de les diviser au lieu de les unir. Toutefois, je conçois aussi qu’il soit stupéfiant que seules 6 femmes sur 577 députés n’aient pu voter la loi Veil relative à l’avortement en 1975. Il s’agit directement d’un droit spécifique accordée aux femmes et leur absence dans l’hémicycle lors du vote est tout bonnement scandaleux. Revenons-en à l’argument selon lequel une femme mènerait une politique différente de celle des hommes. Affirmer que par des qualités intrinsèques au sexe de le femme, celle-ci pourrait apporter un renouveau en politique me laisse perplexe. C’est un argument très relatif qui dépend entièrement de ce que l’on enseigne à la femme. Selon les partisans de cette théorie, les femmes seraient dotées de sens particuliers. Par exemple, elles auraient le don d’être à l’écoute d’autrui, ce qui favoriserait la concertation entre différents collaborateurs. Autrement dit, toutes les femmes seraient douées pour la diplomatie ! N’est-ce pas un peu illusoire ? Ces traits de caractère dépendent avant tout de l’aspect social et non de leur nature. Aussi, ces codes sont voués à changer car l’éducation occidentale d’aujourd’hui tend à ne plus imposer à la femme ou à l’homme des schémas archétypaux. L’éducation actuelle « se dégenrise » et par conséquent les caractères dits « féminins » et « masculins » avec eux. Or, ces traits de caractère nouveaux ont une influence directe sur le type de politique qu’une femme serait censée mener.

Aujourd’hui, le grand progrès du féminisme en France réside dans ce que l’on transmet comme valeurs aux femmes et aux hommes. Le droit bien qu’encore imparfait tend de plus en plus vers cette égalité. Par contre, là où il reste encore beaucoup à faire, c’est déconstruire l’ancien modèle de représentation des êtres humains pour arriver à une égalité entre eux. Bien entendu, cela est long mais les choses avancent peu à peu. Surtout ne nous arrêtons pas là et continuons d’avancer de concert hommes et femmes vers l’égalité !



Quid de la législation française en matière de parité femmes-hommes en politique ?

En 1982, une première loi en faveur de la parité est votée à l’Assemblée nationale mais, jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, elle est finalement retirée sur le fondement du principe d’indivisibilité et de l’unité du peuple français. Ici, le Conseil constitutionnel est défavorable à des mesures de discrimination positive et reprend alors le fameux argument du « souverainisme républicain » selon lequel la Nation est une et indivisible, ne pouvant donc légitimer des lois favorisant une partie de la population au détriment de l’autre.


Néanmoins, la pression s’intensifie dans les années 1990. D’une part, les institutions internationales font pression et d’autre part, sur la scène nationale les pressions s’accroissent. En 1993, par exemple, le « Manifeste des 577 pour une démocratie paritaire » est publié dans le Monde et fait parler de la parité dans l’espace public. Ce sont 289 femmes et 288 hommes – en référence au nombre de députés à l’Assemblée nationale – qui réclament la parité dans la vie politique. Trois ans plus tard, en 1996, est publié dans l’Express le « Manifeste des 10 ». Cette fois-ci, ce sont 10 femmes politiques de tous bords politiques confondus – dont Simone Veil – qui font bloc pour dénoncer le manque de femmes dans ce domaine. Elles s’expriment sur la situation actuelle comme en témoigne cette phrase : « Toutes, à un degré ou à un autre, nous avons eu à affronter l'incapacité du système politique français à accepter véritablement les femmes ».


Ainsi, sous la pression internationale, nationale et populaire, des mesures vont être alors établies. La réticence du Conseil constitutionnel pousse le Premier ministre de l’époque, Alain Juppé, à réfléchir à la nécessité de réviser la Constitution. Finalement, c’est le gouvernement Jospin qui propose la réforme constitutionnelle. Elle est adoptée le 8 juillet 1999 et modifie alors la Constitution en prévoyant un nouvel alinéa dans son article 3 en affirmant « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Est également modifié l’article 4 selon lequel désormais, « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi. » Cette réforme constitutionnelle est jugée timide par certains car les termes employés ne sont pas les plus lourds de sens, et mêmes plutôt vagues. Avant que cette réforme constitutionnelle ne soit adoptée, celle-ci a fait l’objet de débats entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur les mots à employer. Au final, le Conseil constitutionnel tranche et privilégie l’emploi du terme « favorise » au lieu de « garantit ». La nuance vous paraît peut-être mince, voire même ridicule et pourtant... Pour les juristes, la différence est grande car c’est le passage d’une obligation de résultat, c’est-a-dire une obligation de parvenir à l’objectif poursuivi, à une obligation de moyen, ce qui revient à mettre en place le maximum de mesures pour parvenir au résultat mais si celui-ci n’est pas atteint, eh bien tant pis car justement seuls les moyens comptent ! Aïe, aïe, aïe... Il fallait s’y attendre me direz-vous ! La France, mauvaise élève en parité femmes-hommes dans le domaine politique, n’allait pas virer de cap aussi facilement.


Le choix des mots est essentiel en droit puisque les conséquences en dépendent. Alors voyons les conséquences de cette réforme constitutionnelle. Celles-ci se traduisent à travers l’adoption de nouvelles lois, notamment celle du 6 juin 2000. Cette loi vise à appliquer une baisse de l’aide publique aux partis politiques en fonction de la proportion respective de femmes et d’hommes présentée pour les élections législatives. Ce n’est donc pas une amende à proprement parler mais une pénalité retenue sur le total des aides publiques accordées aux différents partis. En revanche, pour les élections régionales, municipales, sénatoriales et européennes, cette loi obligeait les partis politiques à présenter un nombre égal d’hommes et de femmes aux élections.


En 2008, une révision constitutionnelle intervient, modifiant l’article 1er de la Constitution y introduisant dorénavant que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».


La loi de 2000 a des effets limités. On passe seulement à 12,3 % députés femmes en 2002. On en tire un constat : il faut une égalité non pas seulement dans les candidatures mais aussi dans les élus. En effet, on s’est rendu compte que certains états-majors de partis politiques ont volontairement présenté des femmes dans les circonscriptions perdues d’avance. Par ailleurs, les partis préfèrent payer des pénalités plutôt que de présenter des femmes, jugeant que ce procédé est plus rentable ! En conséquence, une nouvelle loi de 2007 prévoit d’augmenter la retenue de l’aide publique en cas de non-respect de la parité au sein des partis politiques. Toutefois, les élections législatives de 2007 ne sont pas soumises à ces lois, adoptées trop tardivement. Ces élections sont encore un échec puisqu’on ne compte que 18,5 % de députés femmes. Il faut donc attendre les élections législatives suivantes de 2012 pour que les effets de cette loi s’appliquent. Les conséquences sont plutôt positives et encourageantes mais cela reste encore insuffisant, avec près de 27 % de femmes entrant dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale cette année là.


Si le résultat de plusieurs élections montre une évolution dans l’établissement de la parité comme celles du Parlement européen, des conseils régionaux et municipaux des villes de plus de 3500 habitants, il en va autrement pour les autres élections. Dans beaucoup d’élections encore, les femmes restent très minoritaires. Ainsi, une loi de 2014 généralise le principe de la parité à tous les secteurs de la vie sociale à l’instar des fédérations sportives, des établissements publics à caractère industriel et commercial ou encore des chambres de commerce et d'industrie par exemple. Cette même année une loi sur le non-cumul des mandats est adoptée. Elle est positive et prend aussi place dans le combat de la parité en permettant un renouvellement plus fréquent et varié des acteurs et actrices politiques.


Malheureusement, la loi sur la parité n’est pas infaillible ! On remarque aussi un certain entêtement des partis politiques pour ne pas avoir à compter de femmes dans leur rang. En 2012, uniquement deux partis politiques ont respecté les obligations légales. Alors, en 2017, on renforce davantage la législation en augmentant les pénalités financières pour les partis politiques qui ne respectent pas les lois sur la parité aux élections législatives. Néanmoins, en dépit de cette loi, le projet de loi de finances publiques pour 2019 révèle qu’en 2018, de nombreux partis ne s’accommodent toujours pas de la loi et écopent de lourdes amendes. Étrangement, on retrouve encore le parti des Républicains, qui continue malgré les années, à arriver à la tête de cette liste. De même, les élections sénatoriales sont aussi touchées par cette insubordination des partis politiques. À ce sujet, c’est encore le vilain petit canard en matière de parité, qu’est le parti Les Républicains, qui fait parler de lui lors des élections pour le Sénat. Le comportement de ce parti fait scandale tant en 2012 qu’en 2017. En effet, la loi sur la parité oblige les partis à présenter autant d’hommes que de femmes aux élections sénatoriales. Après cette étape, c’est au tour des grands électeurs, c’est-à-dire les maires et mairesses de France, de voter pour désigner les sénateurs et sénatrices. Filou, le parti des Républicains utilise une technique consistant à former deux listes : une liste officielle où le parti présente bien un homme et une femme et une autre liste dissidente qui ne prend pas le nom du parti mais présente officieusement un candidat du parti. Au final, les grands électeurs peuvent élire deux hommes du même parti. Si ces hommes mettaient moins d’énergie, de vigueur et d’ingéniosité pour contourner les lois, la technique en serait presque drôle, pour le moment elle reste surtout consternante !


N’en déplaisent à ceux qui sont contre la discrimination positive, le résultat de ces mesures est là finalement. Comme les chiffres en témoignent, la France a fait des progrès considérables tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale. En 2017, on compte 39 % députés femmes contre 10,9 % en 1997, c’est-à-dire avant les réformes relatives à la discrimination positive. De même, on dénombre 29 % de sénatrices élues en 2017 contre seulement 5,9 % en 1997. À l’échelle locale, on observe aussi une augmentation de la représentation féminine avec 40,3 % des conseillères municipales contre 21,7 % en 1995.



Ces avancées dans la représentation féminine en politique sont-elles pleinement suffisantes ?

Hélas non comme nous venons de le voir. Si dans son journal La Citoyenne, Hubertine

Auclert écrit en 1885 qu’il « faut que les assemblées soient composées d’autant de femmes que d’hommes », cela n’est pas suffisant pour parvenir à la parité. Les chiffres comme nous l’avons dit nous renseignent sur la situation mais ne soulèvent néanmoins pas tous les problèmes qu’ils y sont sous-jacents.

Comme le dénonce justement la directrice de recherche au CNRS Réjane Sénac, « l’enjeu désormais est de parvenir à une redistribution verticale mais aussi horizontale des pouvoirs. Donc qui ne soit pas seulement quantitative, mais aussi qualitative ». La France souffre encore beaucoup de voir peu de femmes à des postes importants en politique. Par exemple, en 2017, « les hommes représentaient 90,1% des présidents des conseils départementaux et 83,3% des présidents des conseils régionaux ». De plus, précisons que 57 départements sur 101 ainsi que 11 régions sur 18 voient à leur tête un duo de deux hommes pour occuper la place de président et de premier vice- président.


Pour y remédier, la loi Sauvadet de mars 2012 prévoyait d’imposer un quota de 40 % de femmes minimum pour les nouvelles nominations des hauts postes de la fonction publique. Cependant, les effets de cette loi sont limitées car d’une part, cette loi ne s’applique pas à tous les corps de la haute fonction publique comme la Cour des comptes par exemple, et d’autre part, les femmes restent cantonnées dans des domaines dits « féminins » à savoir l’éducation. Les hommes, quant à eux, occupent quasi exclusivement les postes dédiés aux finances ou à l’économie. C’est ainsi, qu’en 2017, deux ministères et trois collectivités territoriales ont écopé d’amendes pour n’avoir pas respecté les règles de parité dans les nominations : trop peu de femmes ont été nommées à des postes de hauts-cadres. Le montant de l’amende varie en fonction de la représentation féminine. Il est de 60 000€ pour le ministère de la Justice, 120 000€ pour le ministère des Armées et 240 000€ pour les collectivités territoriales. Au-delà des amendes ou des quotas, il faudrait aussi adapter « les modes de management » de la fonction publique. Ceux-ci demandent une présence très grande au sein des institutions avec des horaires très flexibles, ce qui n’est pas évident pour une femme qui est également mère. La gente féminine subit encore des stéréotypes comme l’a entendu Madame Descamps-Crosnier qui a recueilli le témoignage de plusieurs agents de la fonction publique dont un qui déplorait la réalité sexiste de ce milieu : « Ayant siégé de nombreuses années en commission administrative paritaire interne dans ma collectivité, j’ai entendu de nombreuses réflexions sexistes, afin de justifier plutôt des avancements masculins. [Des remarques du type] “une telle est jeune, elle va bientôt être enceinte, il ne faut pas la mettre à la tête d’un service.” ». Enfin, les médias doivent aussi prendre leur responsabilité et exposer davantage de femmes politiques. Selon le baromètre annuel Forbes/Pressed, les politiciennes présentes sur un plateau de télévision ou interrogées pour un article de journal sont peu nombreuses au regard de leur collègues masculins. En 2017, on compte à peine 16,9% de mentions féminines contre 83,1% pour les hommes dans le classement des personnalités les plus médiatisées.



Doit-on nier sa féminité pour être considérée comme l’égal de l’homme ?

La réponse pour certains serait « non, bien entendu ! ». Pourtant, si la réponse est simple, elle n’est pas du tout rentrée dans les mœurs. La réponse officielle qu’apporterait tout homme politique à cette question serait que la femme n’a pas à nier sa féminité et prendre des codes masculins pour être acceptée. Pourtant, juger ou commenter la tenue des femmes, même en pleine réunion officielle, n’est pas si rare que ça ! On se souvient, par exemple, en 2014 notamment des commentaires de plusieurs députés sur la robe bleue de Madame Cécile Duflot ou encore sur le tailleur de Madame Ségolène Royal. Pour cette dernière, un député de l’UMP s’était adressé à elle et lui avait dit en pleine séance : « vous me permettrez Madame la ministre de vous féliciter pour le choix de la couleur de votre tailleur. Le vert vous va effectivement à merveille. ». Alors, certes ce n’est pas méchant me direz-vous, c’est même un compliment ! Les sceptiques de la cause féministe en viendront même jusqu’à dire que l’on ne peut plus faire de compliments aux femmes de nos jours de peur d’être déplacé. Toutefois, que ce soit dit avec bienveillance ou méchanceté, là n’est pas la question. Pouvoir se permettre de juger, de commenter physiquement et ouvertement l’apparence d’une femme en pleine réunion officielle nous en dit long sur notre société. En effet, ces comportements sont révélateurs : la femme est encore aujourd’hui rattachée à l’image de son corps, l’esthétique et de son apparence, et ce dans tous les milieux, mêmes les plus officiels comme l’est la politique. On voit donc ici que la femme est encore assimilée à certaines valeurs, tout comme l’homme. À mon sens, il me semble déplacer qu’en pleine réunion officielle, filmée puis retranscrite au journal officiel, un homme ne se retienne pas de garder ses impressions pour lui. Ce type de remarques n’a rien à faire autour d’une table politique.

Ainsi, « il faut changer la représentation culturelle du pouvoir » comme l’avance l’historienne Mathilde Larrère. Il est bien beau de donner des amendes, d’encourager les partis et la fonction publique à évoluer mais si les choses évoluent avec autant de lenteur et difficultés, c’est aussi dû aux mentalités d’une société toute entière. La société dans son ensemble – c’est-a-dire les hommes et les femmes – doit intégrer que le pouvoir n’est pas genré. Depuis des siècles, on attribue à l’homme : la force, la virilité, la bravoure ; à la femme : la tendresse, l’écoute et la douceur. Mais les temps changent et les consciences s’éveillent peu à peu.


Aujourd’hui, il faut activement « dégenrer » plutôt que « déviriliser » la politique. Il faut sortir de cette idée préconçue selon laquelle la femme ne peut pas être virile. Rien que le terme « viril » et son étymologie posent problème. Certains ont beau dire que les mots ne sont que des mots et rien de plus, pourtant je suis intimement convaincue que les mots ont leur importance et aujourd'hui plus que jamais ! Sinon les personnalités ne feraient pas la une des magazines pour tel ou tel mot prononcé. Bref, les termes portent en eux-mêmes une vérité historique et sociologique. Dans l’Antiquité et dans la langue latine, la virilité s’opposait à la féminité. Le premier, vir, signifiait le mâle qui se rapproche du « héros », de l’être « fort », c’est celui qui a toutes les qualités qui « font la valeur de l’homme moralement et physiquement ». En revanche, la femina signifie « celle qui allaite », « celle qui enfante ». Ici, les valeurs archaïques tant de la femme que de l’homme transparaissent de manière limpide. Chacun est cantonné et emprisonné dans une case : l’homme reste viril et actif, quant à la femme, elle est douce et passive. Cet héritage culturel a bien sûr évolué, en particulier dans les sociétés occidentales mais reste encore très marqué du côté de la conception du pouvoir.

Comment pourrait-on étendre la virilité aux femmes ? Tout simplement d’abord, en féminisant les termes. Cependant, le mot « simplement » n’est peut être pas le plus adapté car allant des hommes politiques aux membres de l’Académie française, l’opposition est forte depuis une circulaire de Laurent Fabius alors Premier ministre datant de 1986 « relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre ».

Par exemple, en 2014, en pleine séance à l’Assemblée nationale, Julien Auclert, député de l’UMP, refuse d’employer l’expression suivante : « Madame La présidente ». Il s’obstine à dire « Madame Le Président ». Pour se justifier, il invoque les règles établies par l’Académie française et le dictionnaire Larousse, affirmant ainsi que « grammaticalement Madame la Présidente est la femme du Président, et que par conséquent si on parle de respect de la langue française – et nous sommes législateurs – il faut employer l’expression Madame le Président ». Puis, pour terminer son propos, il avance que « si Madame le Président est considérée comme une insulte, alors c’est que le débat démocratique est bien affaibli et que les français doivent se demander aujourd'hui si nous n’avons pas mieux à faire ». Cette dernière phrase paraît banale et anodine au premier abord mais en réalité, elle ne l’est pas du tout. Elle est assez emblématique du problème qui règne au Parlement et ailleurs. Estimer ce sujet comme inutile au débat démocratique est très critiquable, et même faux. Ensuite, associer ce phénomène à un débat non-légitime et même à une perte de temps est purement méprisable de la part « d’un législateur » comme il tend à insister dessus. Sa critique facile est à la hauteur du machisme ambiant qui règne dans les assemblées parlementaires. Si débattre sur l’égalité femmes-hommes n’est pas un sujet digne d’être abordé au Parlement, et si les femmes sont, en plus de tout cela, responsables des maux des parlementaires, je me demande quand et où s’arrêtent l’hypocrisie et la bêtise.


Face à ce climat parfois hostile aux femmes, des propositions comme un réseau de femmes a aussi été présentée comme une solution par certains. Il faut savoir que le réseau est extrêmement important en politique et contribue directement et largement à la progression d’une carrière politique. De fait, les hommes s’en trouvent plus privilégiés que les femmes, alors pourquoi ne pas faire pareil ? Personnellement, je ne serai pas d’avis à développer un réseau féminin tout simplement parce que c’est entériner et accepter la pratique des hommes excluant les femmes. De fait, cela envoie un mauvais message. Le but n’est pas d’avoir deux réseaux qui se concurrencent, mais un réseau où hommes et femmes y ont pleinement leur place. Le féminisme est un combat que doivent mener de concert les femmes et les hommes, et non les uns contre les autres. Un état doit être soudé pour avancer et a suffisamment à faire avec les conjonctures actuelles pour s’embarrasser d’une guéguerre entre politiciens et politiciennes en raison de la différence de leur sexe.



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